couverture statut victime

Le délicat statut de victime

Le témoignage des victimes de la traite des êtres humains est essentiel pour la détection et la sanction des auteurs. Le statut de victimes leur donne des droits d’être protégées pendant la procédure pénale en Suisse. 

Cependant, on constate que la grande majorité des victimes préfèrent se taire. Manque-t-elles d’informations sur leurs droits ? Est-ce que le nombre de victimes a reculé ? Toutefois, les chiffres ne trompent pas : la criminalité transnationale organisée est en hausse et les victimes de traite des êtres humains aussi. Pourquoi les victimes choisissent-telles de se taire ?  

Sur le terrain, nous constatons plusieurs réalités :  

Comme toutes victimes, celles-ci sont souvent dans le déni de leur situation. Certaines, quand nous leur posons la question, ne semblent même pas comprendre la notion d’exploitation forcée. La désinformation et la propagande dont elles sont l’objet leur font croire que leur situation est acceptable. De plus, la culpabilité et la honte s’entremêlent, et elles se croient bien souvent responsable des conditions qu’elles subissent.  

Les organismes de détection des victimes de traite des êtres humains sont unanimes sur la question : La parole des victimes ne se libère qu’en dernier recours, en général lorsqu’elles n’ont plus d’autres choix pour survivre. 

Ce qui nous emmène dès lors, à nous questionner sur les raisons fondamentales des principales craintes des victimes.  

Le profil des victimes

La dénonciation des auteurs est une étape extrêmement difficile à franchir pour les victimes d’exploitation relevant de la traite et ceci quel que soit leur profil. 

Les victimes d’exploitation forcée sont des personnes qui sont souvent dans une situation de vulnérabilité qui fait d’elles une cible des trafiquants. Cette situation de vulnérabilité peut être la pauvreté, un manque de formation (beaucoup ont quitté l’école vers 8 ou 10 ans), la perte ou l’absence d’un ou des deux parents et la guerre.  

Les victimes sont des femmes, des hommes et des enfants recrutées dans leur pays d’origine ou en transit dans un autre pays. Parfois, les victimes de traite sont recrutées dans le pays de destination, cela peut être le cas de jeunes filles en foyer, de migrants dans les centres pour réfugiés, d’étudiantes, ou parfois c’est un membre de la famille qui abuse de la confiance de la jeune fille. Nous avons personnellement eu connaissance de plusieurs cas en Suisse. 

La plupart des victimes ont voulu s’en sortir et elles ont été trompées par les trafiquants et leurs promesses d’un emploi en Europe ou d’un mariage. Ceci explique leur sentiment de culpabilité mentionné ci-dessus. 

Ces propositions et promesses mensongères leur sont faites de manière directe (flirt avec un loverboy, promesse par un membre de la famille d’aider à trouver un travail en Europe, etc) ou indirecte (réseaux sociaux, annonces d’emploi mensongères, etc.) 

Le profil des trafiquants

Les trafiquants peuvent appartenir à des réseaux criminels ou, simplement agir pour leur propre compte. Ils sont des membres proches des familles de victimes, des connaissances ou encore des relations nouées sur des sites internet ou dans d’autres circonstances. 

Ces personnes tirent un profit énorme de ce trafic. Ils utilisent les moyens de pressions définis par la convention de Palerme. 

  • La menace 
  • La tromperie 
  • Le recours à la force 

Ces moyens de pressions utilisés par les trafiquants constituent le socle commun des craintes des victimes et représente la capacité de contrôle exercée sur ces dernières. 

Dans le cadre des loverboy, par exemple, ils utilisent des procédures d’attachements démontrés par la psychanalyse et bien éprouvées. Dans le cadre des personnes venant du continent africain, le rituel du Juju permet d’obtenir une loyauté presque totale des victimes (voir l’article à ce sujet : Le rituel vaudou).  

De plus, les trafiquants, pour maintenir une pression sûre, fiable, et constante, utilisent contre les victimes des photos et des vidéos d’elles en les menaçant de les transmettre à leurs familles ou leurs enfants, qui ne sont souvent pas au courant de ce qu’elles font. 

Conclusion

En conclusion, voici certaines des raisons qui poussent les victimes de traite des êtres humains au silence :  

  • Les menaces d’utiliser les photos et les vidéos décrivant leurs activités contre elles, notamment en les montrant à leur famille et leurs proches 
  • Les menaces de représailles sur leur familles directes (enlèvement, meurtre, séquestration, prise d’otage) 
  • La dénonciation pour défaut de titre de séjour auprès des autorités  
  • Les menaces de mort et les violences à leur encontre  
  • La culpabilité et la honte que ressentent les victimes 
  • La désinformation qui leur est donnée par les trafiquants et les proxénètes sur leurs droits et aussi concernant les autorités du pays (nous avons des témoignages de victimes qui se  
  • Leur déni face à leurs conditions de victimes 
  • Leur attachement émotionnel à un loverboy, leur loyauté face à leur famille ou créé par le rituel de Juju, etc. 
  • L’efficacité du système judiciaire concernant la protection de la victime qui est tributaire de la sensibilité du juge, des pratiques cantonales qui diffèrent, etc. 

Dans notre travail de détection et de sensibilisation, il est donc important de garder ces éléments en tête et éviter de tirer des conclusions hâtives sur la base des uniques déclarations des victimes. Nous préconisons également une approche qui permet aux victimes de nous donner des indices, d’en parler même à demi-mot, au lieu de partir du principe que la personne a volontairement choisi l’activité qu’elle exerce, par exemple la prostitution.  

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